19 avril 2016

Connaître les dangers: Accident dans une centrale nucléaire

 check-list « Que faire en cas d’accident dans une centrale nucléaire ? Quels risques les centrales nucléaires représentent-elles pour la population de la Suisse ? Comment les décrire d’une manière systématique ? Quelles conséquences aurait un accident pour les personnes, l’environnement, l’économie et la société ?

Pour répondre à ces questions et à d’autres encore, l’Office fédéral de la protection de la population (OFPP) procède à une vaste analyse des risques de catastrophe et de situation d’urgence à l’échelle du pays. Cette entreprise consiste à identifier les dangers potentiels, à élaborer des scénarios et à évaluer précisément les conséquences possibles pour la population et l’environnement. Le risque lié à chaque type d’événement peut être estimé en fonction de sa probabilité d’occurrence et de son impact prévisible. Les résultats de cette démarche se traduisent dans différents documents comme le rapport sur les risques, la liste des dangers et des dossiers spécifiques aux divers types d’événements. En tout, 33 scénarios intéressant la protection de la population ont été soumis à une analyse systématique.

Catastrophes et situations d’urgence en Suisse 2015

En fonction de l’actualité, le blog d’Alertswiss se penche sur l’une ou l’autre menace. Le présent article saisit l’occasion du 30e anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl pour passer à la loupe le risque d’accident dans une centrale nucléaire.

Exemples d’événements

Les accidents dans les centrales nucléaires (CN) sont – heureusement – des événements rares. Toutefois, lorsqu’il s’en produit un, le territoire environnant risque d’être très fortement et durablement affecté. Les conséquences politiques, économiques et sociétales peuvent avoir des répercussions internationales. En outre, de telles catastrophes marquent pour longtemps la mémoire collective. Tchernobyl et Fukushima sont des noms que tout le monde connaît de nos jours et symbolisent les risques liés à l’énergie nucléaire.
Le 11 mars 2011, un raz-de-marée provoqué par un séisme sous-marin endommageait gravement la CN japonaise de Fukushima Daiichi, faisant fondre le cœur de trois de ses réacteurs. De grandes quantités de radioactivité étaient alors relâchées sans contrôle dans l’environnement. Même si l’accident n’a pas fait de victime directe, 100 000 à 150 000 personnes ont dû quitter leur domicile, provisoirement ou à plus long terme. Une grande partie des environs de la centrale sont encore fortement contaminés et demeurent inhabitables.
Le 26 avril 1986, un test provoquait la fusion du cœur de la centrale nucléaire ukrainienne de Tchernobyl ainsi qu’une explosion. De grandes quantités de substances radioactives se sont ensuite répandues dans l’atmosphère les jours suivants, parcourant parfois plusieurs milliers de kilomètres. Une trentaine d’intervenants ont perdu la vie durant les opérations de secours, alors que 200 autres environ étaient gravement irradiés. Plusieurs centaines de milliers d’habitants de la région ont été légèrement irradiés, d’où un risque accru de cancers. Le nombre d’évacués et de déplacés se monte également à plusieurs centaines de milliers de personnes.

La centrale nucléaire de Tchernobyl en 2013.

La Suisse a aussi connu un accident nucléaire, quoique nettement moins grave. Le 21 janvier 1969, plusieurs éléments combustibles ont surchauffé à la centrale expérimentale de Lucens (VD), causant un dégagement de radioactivité dans l’enveloppe du réacteur. Cette dernière n’ayant pas pu être complètement isolée, du gaz radioactif s’est répandu dans l’environnement. Les mesures effectuées n’ont cependant pas révélé de dépassement des normes aux alentours de la centrale.

Définition

L’échelle internationale de classement des événements nucléaires (INES) définit un accident de CN comme un événement involontaire entraînant pour la population une exposition supplémentaire à la radioactivité qui est égale ou supérieure au rayonnement naturel. Le droit suisse emploie en outre la notion d’accident majeur, désignant tout événement nécessitant l’intervention d’un système de sécurité.
Le déroulement d’un accident de CN se subdivise grosso modo en trois phases : la phase de préalerte, entre le début de l’événement et le dégagement de radioactivité ; la phase nuage, entre le dégagement de radioactivité et la dissipation du nuage radioactif ; la phase sol (la plus longue), pendant laquelle le sol contaminé reste fortement radioactif.

Scénario de référence : déroulement possible d’un grave accident de CN

Le scénario de référence « Accident de CN en Suisse  » part de graves dommages au réacteur (comme à Tchernobyl et Fukushima) : suite à un défaut du circuit de refroidissement, le processus d’arrêt automatique du réacteur s’enclenche. L’élévation de la température consécutive à l’échec des tentatives de refroidissement du combustible provoque une fusion partielle du cœur. La surchauffe entraine une concentration de radioactivité dans l’enveloppe de sécurité du réacteur, où elle peut être retenue provisoirement.
En cas d’accident de CN en Suisse, c’est la Centrale nationale d’alarme (CENAL) qui prend les premières mesures. Elle ordonne l’évacuation de la zone la plus menacée. Si ce n’est pas possible, les riverains sont invités à se tenir dans les pièces les mieux protégées de leurs maisons (abris, caves ou locaux sans fenêtres au centre des bâtiments).
Dans le scénario de référence, la situation continue de se détériorer à l’intérieur de la centrale. Il devient impossible de contenir les substances radioactives dans l’enveloppe du réacteur, d’où un rejet incontrôlé de radioactivité dans l’environnement durant deux heures. Les valeurs limites sont dépassées jusqu’à une distance de 100 km. La zone la plus touchée se situe dans un rayon de 10 km autour de la centrale. Au bout de deux jours, la phase nuage est passée, mais le sol de la zone survolée est durablement contaminé.

Conséquences possibles

Les dommages directs aux personnes sont relativement limités : on table sur une vingtaine de décès dus à des accidents de travail dans la CN ainsi qu’à des accidents de la route lors de l’évacuation. Les irradiations sont elles aussi relativement peu nombreuses car la grande majorité de la population s’est mise à l’abri au bon moment. Seules quelques personnes qui sont restées à l’extérieur durant la phase nuage malgré les consignes de sécurité sont touchées et encourent un risque accru de cancer.
Après le passage du nuage radioactif, les personnes restées dans la zone la plus contaminée, qu’elles y résident ou n’y soient que de passage, sont évacuées. Les résidants permanents doivent être réinstallés ailleurs. Dans la mesure du possible, le terrain sera décontaminé : les surfaces seront lavées et la terre enlevée. Les secteurs qui ne peuvent pas être décontaminés resteront interdits d’accès pour une longue durée.
Pour les personnes concernées, l’évacuation et le relogement sont des moments très difficiles. Si la plupart peuvent trouver refuge chez des parents ou des amis, un grand nombre de déplacés doivent être hébergés un certain temps dans des logements de fortune. C’est un défi considérable au plan logistique. Les personnes quittant la zone sinistrée doivent en outre subir un contrôle de contamination.
Les conséquences d’un accident de CN pour l’environnement sont également très importantes. La zone sinistrée s’étend sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, la contamination décroissant à mesure que l’on s’éloigne de la centrale. Les cours d’eau sont également pollués et charrient des substances radioactives. La charge radioactive varie en fonction des substances libérées. Il est possible que la contamination du sol continue encore d’augmenter dans les jours qui suivent le passage du nuage.
L’activité économique de la région sinistrée est temporairement paralysée. Une interdiction de récolte et de pâture est édictée. D’autres branches comme le tourisme ou l’industrie alimentaire sont aussi fortement touchées à moyen et long terme. Les prix de l’immobilier s’effondrent car la décontamination des habitations exige des moyens importants et coûte très cher. Les dommages économiques totaux se chiffrent en dizaines de milliards de francs.

Évaluation des risques

Vu les prescriptions de sécurité en vigueur, les experts jugent extrêmement faible la probabilité d’occurrence, en Suisse, d’un accident de CN entrainant un fort rejet de radioactivité.
En revanche, l’ampleur des dommages serait très élevée : le scénario de référence estime leur coût dans une fourchette de 50 à 100 milliards de francs, ce qui met l’accident de CN au troisième rang des événements les plus coûteux, après une panne d’électricité à grande échelle et un tremblement de terre. La valeur de risque attribuée à l’accident de CN, résultant de la combinaison de la probabilité d’occurrence et de l’ampleur des dommages, est nettement plus faible. En revanche, l’attention accordée à ce scénario dans les médias et le débat politique est souvent beaucoup plus importante.

Diagramme des risques: Dommages et fréquence

Employé dans un contexte scientifique, le terme de risque désigne en règle générale le produit de la probabilité d’occurrence d’un événement et de l’ampleur des dommages en tant que conséquence de la survenance de l’événement. Le diagramme des risques classe les dangers figurant sur la liste en fonction de leur probabilité d’occurrence et des dommages monétarisés, c’est-à-dire exprimés en unités monétaires. Plus un danger se situe en haut à droite sur le diagramme, plus le risque est élevé. En lisant le diagramme, il faut tenir compte du fait que les échelles sur les deux axes ne sont pas linéaires mais logarithmiques. Les intervalles ne sont donc pas égaux, comme ce serait le cas sur une échelle linéaire. Sur une échelle logarithmique, au contraire, deux intervalles consécutifs de même longueur expriment une progression exponentielle.

Préparation et consignes de comportement : que pouvez-vous faire ?

Comment devriez-vous vous préparer à la possibilité d’un accident de CN ? En premier lieu, informez-vous préalablement sur les mesures à prendre en cas d’urgence pour vous protéger. Comment ? En consultant la check-list « Que faire en cas d’accident dans une centrale nucléaire ? », établie par l’Office fédéral de la protection de la population en collaboration avec les cantons concernés.

La check-list «Que faire en cas d’accident dans une céntrale nucléaire» de l’OFPP.

Afin de réduire les effets de l’absorption d’iode radioactif par le corps humain à la suite d’un accident de CN, les autorités peuvent ordonner la prise de comprimés d’iode dans les secteurs les plus menacés. À titre de précaution, de tels comprimés sont distribués à la population dans un rayon de 50 km autour des CN. Si vous vous trouvez dans cette situation, conservez les comprimés d’iode chez vous, dans un endroit abrité et facile d’accès. Si vous avez besoin de comprimés supplémentaires, adressez-vous à l’administration de votre commune de domicile.
La principale consigne à suivre en cas d’accident de CN est de nature générale : elle consiste à suivre les instructions des autorités. La CENAL et les autres organes compétents les communiquent par la radio et par d’autres canaux. Outre la prise des comprimés d’iode, d’autres consignes peuvent être données comme s’abriter chez soi ou au contraire évacuer les lieux, ainsi que des interdictions de récolter, etc. Observez ces consignes dans tous les cas.
Si vous devez rester à l’abri chez vous, il est recommandé d’avoir des provisions et une pharmacie de secours. Dans le cas d’une évacuation, tenez compte des préparatifs nécessaires concernant votre logement de fortune et ce qu’il faut emporter avec vous.

Ces informations sont disponibles sur le plan d’urgence Alertswiss ainsi que sur l’app Alertswiss pour Android et iOS. Afin d’être prêt en toutes circonstances.

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