3 juin 2022

Mieux comprendre les crues extrêmes grâce à un nouvel outil en ligne

Au cours de l’été 2021, l’Allemagne a subi des crues et des inondations torrentielles d’une ampleur inédite qui a stupéfié jusqu’aux spécialistes. Des chercheurs du Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels de l’Université de Berne ont développé sur la base de simulations un outil numérique qui permet de visualiser les inondations extrêmes dans leur dimension spatiale et temporelle.

Sur la piste du risque résiduel

En Suisse aussi, des crues extrêmes relevant de ce que l’on appelle le risque résiduel sont possibles à tout moment, comme le prouvent les derniers résultats de recherche du Laboratoire Mobilière de recherche sur les risques naturels de l’Université de Berne. Les inondations de l’été 2021 en Allemagne nous enjoignent à ne pas négliger le risque résiduel, notamment sous l’angle de la protection de la population. Il est certes souvent question de risque résiduel dans la protection contre les inondations, mais nous avons de la peine à imaginer des inondations pires que celles que nous avons vécues. Des chercheurs du Laboratoire Mobilière ont développé sur la base de simulations un outil numérique qui permet de visualiser les crues extrêmes dans leur dimension spatiale et temporelle. Une fonction de zoom permet en outre d’observer ces événements aussi bien à l’échelle nationale qu’à un niveau local (maisons isolées ou quartiers résidentiels p. ex.) :

Carte : le pire des scénarios au niveau national

Carte : l’événement le plus grave possible au niveau local

Le nouvel outil « Dynamique de crues » donne un contenu et une forme à l’impensable, représenté par une image cartographique dynamique. Toutes les cartes peuvent être affichées en ligne sur www.dynamiquedecrues.ch avec des animations qui évoluent au fil des heures.

Une nouvelle vision de la dynamique de crues extrêmes

Les simulations se fondent sur neuf scénarios de précipitations extrêmes issus de modèles de prévision météorologique. Ces événements fictifs n’ont heureusement pas eu lieu à ce jour, mais pourraient se produire à tout moment. Les précipitations extrêmes ont des caractéristiques particulières, notamment l’importance de leur impact spatial. Le débit de nombreux cours d’eau augmente de manière considérable en très peu de temps, provoquant en divers endroits une grande quantité de graves inondations. Les bâtiments et les infrastructures sont touchés simultanément dans différents bassins versants. Il en résulte des dommages sans précédent pouvant atteindre dans le pire des cas entre 5 et 6 milliards de francs, soit environ le double du bilan total de la crue centennale de 2005 en Suisse.

Aide à la sélection du scénario

Routes coupées

Les simulations ne se limitent toutefois pas à la dynamique spatio-temporelle des inondations et des dommages qui en résultent. Elles montrent également comment les voies de communication sont affectées, où les liaisons routières sont interrompues et sur quels itinéraires il faut se rabattre. Dans le pire des scénarios, le nombre de routes coupées entraine des déviations d’une longueur totale de 3000 km dans toute la Suisse pour maintenir le trafic dans une certaine mesure, ce qui correspond à peu près à la distance entre Genève et le Cap Nord. Ces perturbations affectent aussi les forces d’intervention, comme lors des fortes pluies de juillet 2017 à Zofingue. Tous les passages souterrains de la voie ferrée Olten-Lucerne avaient alors été inondés, coupant la ville en deux, privant les forces d’intervention d’accès direct aux quartiers ouest de la ville et les contraignant de faire des détours pouvant atteindre 20 km. En outre, des riverains s’étaient précipités pour se mettre à l’abri chez eux en traversant la ligne ferroviaire malgré le danger représenté par un trafic très dense. L’outil Dynamique de crues permet d’anticiper de tels effets inattendus et de mettre en place des planifications adaptées aux besoins. 

Le nouvel outil « Dynamique de crues » donne un contenu et une forme à l’impensable, représenté par une image cartographique dynamique. Toutes les cartes peuvent être affichées en ligne sur www.dynamiquedecrues.ch avec des animations qui évoluent au fil des heures.

Un outil précieux pour la protection de la population

Importance de l’impact spatial, simultanéité, dégâts considérables, voies de communication interrompues : ces notions ne décrivent pas seulement le caractère exceptionnel des inondations extrêmes, mais montrent clairement à quel point il est important de prévenir ces catastrophes pour la protection de la population. En effet, une planification d’urgence coordonnée à l’échelle suprarégionale est la clé pour pouvoir faire face à de telles situations. Et c’est précisément pour cela que l’outil numérique « Dynamique de crues » a été créé : en anticipant de tels processus dramatiques grâce à une planification minutieuse des mesures et des évacuations, on peut éviter une action irréfléchie, la panique ou même le chaos. Les mesures de protection contre les inondations prises jusqu’à présent, fondées sur l’expérience des dernières décennies, ne permettront peut-être pas de faire face à des événements extrêmes. De plus, il faut s’attendre à des situations nouvelles et inattendues. L’outil permet toutefois de les intégrer dans la planification préventive.

Crues du lac de Bienne 2015 : les barrages anti-crues retiennent l’eau du lac et le bois flottant.

Visualiser l’impensable pour être préparé

L’outil numérique donne donc une forme et un contenu à l’impensable, représentés sur une carte dynamique qui aide à mieux se préparer aux événements extrêmes. Les neuf événements simulés ne représentent qu’une sélection de processus possibles. L’éventail des situations qui peuvent se produire est bien plus large. Le but est de s’exercer à considérer les cas exceptionnels. L’outil « Dynamique de crues » est déjà le quatrième outil développé pour soutenir la pratique dans le domaine des risques d’inondation. Ces outils couvrent un vaste champ d’application englobant le danger d’inondation, la dynamique de crues décrite ici ou encore la simulation de dommages.

Auteurs :

Rolf Weingartner

Professeur émérite, ancien codirecteur du Laboratoire Mobilière, hydrologue et géographe

Rouven Sturny

Coordinateur général du Laboratoire Mobilière, spécialiste en sciences de l’environnement à l’EPFZ

Initiative de recherche sur le risque de crues

Parmi les événements naturels qui frappent la Suisse, aucun n’occasionne des coûts aussi élevés que les crues. Celles-ci représentent plus de deux tiers des dommages causés par les dangers naturels. Au cours des 40 dernières années, quatre communes sur cinq ont été frappées par des crues en Suisse. C’est pour cette raison que le Laboratoire Mobilière a lancé le projet «Initiative de recherche sur le risque de crues – de la compréhension à la gestion», dont l’objectif est de fournir des bases et des outils innovants pour une gestion durable du risque d’inondation.

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